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    Sans vraiment nous le dire nous avions décidé. Les quelques échanges rassurants via le chat avaient fait office de conclusion. Il était celui qui nous mènerait au libertinage. C’était la décision la plus effrayante et excitante qui nous ait été donnée de prendre dans notre vie de couple. Nous étions portés depuis quelques semaines par ces fantasmes qui le restaient. Et si nous partagions cet intense amour physique avec une tierce personne ? Aussi fou que cela puisse paraître, Jonah et moi l’envisagions sereinement, sans vergogne, sûrs de nous comme à chaque fois que nous nous lancions dans un projet qui pourrait bousculer nos vies.

    C’est cette période de plénitude sexuelle qui nous porte depuis plusieurs mois qui a mis le feu aux poudres. Jonah dans une démarche de comblement de son épouse tant aimée, moi grâce à une fulgurante poussée de mon appétit sexuel, qui n’a cependant jamais été d’oiseau. Il ne s’agit même pas de rompre un train-train lancinant, schéma que nous n’avons jamais connu, fort heureusement. Non, il s’agit simplement d’explorer autre chose, un versant inconnu, un brin tabou/interdit de la sexualité. Et cet interdit attise le désir, d’autant que lorsqu’on pose sa candidature de couple à la recherche d’un libertin sur le Net, des dizaines de sollicitations apparaissent chaque jour, du moins au début. On se sent désiré, courtisé, gonflant notre ego de façon inhabituelle et virtuelle. C’est grisant de lire que notre profil est sympa, attrayant, qu’on peut correspondre à tout un tas d’hommes prêts à beaucoup de concessions pour être LE libertin. Mais pléthore de candidats n’aide pas à y voir clair. Alors peu à peu on tente de lier un contact, artificiel dans un premier temps car les pseudos et les photos de profil sont de jolis masques de la réalité.

    Lui n’a pas mis de photo détournée. C’est lui. Sans chichi. Visage carré, peu souriant, regard noisette. Son profil est attrayant, sans être tellement différent de celui des autres prétendants. Toutefois, les commentaires à son égard, suite aux jolies soirées passées à ses côtés sont dithyrambiques. Des femmes. Toutes comblées. Toutes prêtes à recommencer. On le dit bavard, enthousiaste, viril et délicat ; il est décrit comme un délicieux amant, un homme charmant et attentionné, élégant et raffiné. Des qualités très appréciables. Rien ne nous terrifie plus à cet instant de notre recherche de tomber sur un type queutard et brutal. Il ne s’agit pas d’un objet mais bien d’une personne. Et en cela, nous voulons choisir quelqu’un avec qui discuter sera possible, qui soit intéressant et intéressé, nous voulons de l’échange.

    Les discussions sur le chat avec Pietro sont légères et sereines malgré le trac qui nous tient. Lui reste confiant et semble très habitué. Si cela nous inquiète dans un premier temps -nous ne voulons pas figurer sur une liste de trophées- son expérience nous rassure. Il parle beaucoup. Par écrit. Son vocabulaire nous plaît et à ce stade de notre démarche, son langage nous séduit. Pietro est fantasque, imaginatif, un brin romantique, respectueux, séducteur. Jusqu’ici, ça fonctionne.

    Pietro me demande de lui laisser un message vocal, cherchant à vérifier la crédibilité de notre profil sur le site Internet dédié aux rencontres libertines. Je ne suis pas sûre de vouloir le faire. J’appelle Jonah, lui explique, émets mes doutes, exprime mon envie… Bienveillant, il me propose de décider, seule. Déterminée. Timide mais déterminée, le téléphone sera donc notre premier lien. J’écoute sa voix pour la première fois. Je ne sais pas à quoi je m’attendais mais je suis presque déçue. Il a une voix normale, s’exprime normalement et son message d’absence est tout ce qu’il y a de plus normal. Pas de « Fidelio » comme dans le film Eyes Wide Shut. Ça me fait marrer, toute seule sur la place du marché. Je prends ma respiration et lui laisse un message, pas préparé. Je reste instinctive, comme toujours. Les mots sont sortis assez naturellement pour lui exprimer que j’étais bien réelle, que notre profil ne mentait pas et qu’il pouvait maintenant nous faire confiance.

    Chaque soir, autour de notre verre de rosé, sur la terrasse encore chaude, nous en parlons. Des heures. Ce n’est pas une décision facile ni légère. Nous savons ce que nous voulons sans toutefois maîtriser complètement les événements. Jonah analyse et réfléchit. Je suis davantage dans le ressenti et lui fait part de mon bon feeling. Parler de lui et de ce qui pourrait arriver attise notre désir à tel point que pour la première fois, nous faisons l’amour sur la terrasse, sans craindre le regard du voisinage, espérant même leur faire partager ce doux moment.

    Sur le chat, les conversations s’étirent. C’est grisant, excitant. Le site internet en question n’est pas génial alors nous créons une conversation Whatsapp pour échanger encore et encore. Jonah semble séduit tout comme moi. Pietro est doué, attentionné, ménage l’un comme l’autre et nous rassure sans cesse, mettant régulièrement en avant la naturel de ce que nous voulons faire vivre à nos corps désireux.

    Et bien si c’est naturel, pourquoi ne pas se lancer ? Les messages sont de plus en plus équivoques. Le sexe est au centre de toutes les pensées. Les esprits chauffent et l’imagination fait le reste. Après les échanges de nos photos, il semble conquis et réciproquement. Il évoque mon corps, mes courbes, je rosis. Jonah joue le jeu avec grand plaisir et ce sont des joutes verbales très excitantes qui défilent sur Whatsapp. Notre sexualité est exacerbée et jamais nous n’avons autant copulé. Parfois matin et soir. En évoquant Pietro. Et l’imaginer avec nous me fait perdre la tête dans les moments d’abandon. Je ne connais pourtant rien de lui.

    Lundi 9 juillet, Jonah et Pietro se rencontrent. Autour d’un verre, à Paris. Il fait chaud, l’été est bien installé. Je suis folle d’excitation de mon côté. C’est un premier contact qui a le don de me titiller : vont-ils parler de moi ? Que va dire Jonah pour évoquer ma personnalité, mes envies, mes désirs que je ne connais pas forcément moi-même ? Comment va-t-il « nous vendre » ? Et se joue également un autre dilemme : Jonah va-t-il apprécier Pietro, face à lui en personne ? A la maison, je ne tiens plus en place. Quand ils se quittent, il m’envoie un message pour me prévenir. Je reste sur ma faim mais volontairement, il garde de la distance, besoin de digérer.

    Encore une fois, nous passons la soirée à parler de Lui. Cérébral, Jonah émet des réserves. A chaque argument, je trouve le côté positif. Pietro est un grand parleur et s’exprime avec emphase. Pas toujours du goût de Jo. Je trouve que c’est rassurant, il n’y aura pas de blanc. Pietro a une grande expérience du libertinage. Cela pourrait être préjudiciable, nous positionnant comme simple couple de passage, à ajouter à sa liste. Je fais remarquer qu’il vaut mieux un homme expérimenté qui nous guidera à un homme pressé et maladroit, débutant lui aussi.

    Dans les échanges, il me nomme ma Reine, notre Reine. Ce statut est un peu éminent pour moi qui pratique régulièrement l’autodérision et la modestie à tout va, moi qui dois fouiller aux tréfonds de mon ego pour trouver un peu de confiance.

    Là, nous calons un rendez-vous à trois, mercredi 11 juillet. L’étau se resserre. J’en ai affreusement envie et entre mes reins se manifestent des papillons qui virevoltent, déchaînés. Seulement, le courage me manque subitement. Tout cela deviendrait concret. Réel. Avec les déceptions qui peuvent en découler. Avec les à côtés que l’imaginaire ne met jamais en scène. La confrontation avec la réalité peut être violente. Pas à la hauteur de mes espérances. Beaucoup de questionnement autour de cette rencontre qui finira pourtant par arriver.

    Nous convenons tous les trois qu’il ne s’agit que d’un premier contact, première réunification de notre trio potentiel, tout en laissant la porte ouverte à une après-midi coquine. Pietro propose un appartement qu’il a à disposition. Cette idée me glace ; cet appartement a une connotation de lupanar glauque où seraient passés des tas de gens lubriques et sales. Je me braque un peu. Le temps passe à une vitesse vertigineuse et j’ai la sensation de ne pas en savoir assez. Qui est-il ? Qu’est-ce qui dans sa vie l’a mené au libertinage ? Comment me livrer à un homme jamais rencontré, inconnu, qui me répète que tout cela est très naturel ? Mon éducation judéo-chrétienne m’empêche d’accepter le côté naturel des choses. C’est tout sauf naturel de faire entrer une tierce personne dans son couple. C’est tout sauf naturel de partager sa femme avec un libertin. C’est tout sauf naturel de baiser avec un inconnu.

    Et pourtant. Je sens que je suis prête à sauter le pas. J’en ai envie et mon amour de mari m’accompagne : le contexte est on ne peut plus rassurant. Le candidat est enjôleur et manie l’art de la séduction à merveille. J’ai déjà succombé avant même a confrontation à la réalité de sa personne.

    Toutefois, dans le train qui mène à Paris, je n’en mène pas large. Jonah sûrement aussi. Mais il a l’avantage indéniable de connaître Pietro. Me lancer dans une soirée à trois dès aujourd’hui me semble surréaliste, insurmontable. Timide et inhibée de naissance, je ne me sens pas la capacité de m’offrir à cet inconnu. Pas si vite. Pas comme ça. J’ai pourtant choisi des dessous noirs et en dentelle. Qui sait ce que ce rendez-vous peut donner ? Il est si convaincant. On songe même à glisser mon string dans sa main lors de cette rencontre, histoire d‘exacerber son désir et le nôtre. Dans ma robe à motifs, celle où je me sens plus particulièrement femme et séduisante, je me ratatine sur le siège en velours du wagon, un journal sous les yeux. Qu’ai-je lu ce jour-là ? Aucune idée. J’ai le cœur en vrac, une envie irrépressible et permanente de faire pipi et la boule au ventre. Les papillons se sont un peu calmés, victimes de la pression qui monte. Mon Jo immortalise l’instant avec son téléphone. Cela donnera une jolie photo, le visage mi figue mi raisin, d’humeur mitigée, femme excitée et terrifiée, impassible, envahie de doutes et d‘envies multiples. Un instant, toutes ces sensations me rappellent le stress des examens, ma jeunesse. Ça me fait sourire. Jonah semble plus détendu. Il veut dédramatiser, même si je sais qu’au fond, c’est lourd à gérer pour lui aussi. Pietro se rappelle à nous par sms. Il est en route lui aussi. Il est donc bien réel. Et il viendra. Wahou… c’est dingue.

    La veille il m’avait demandé ce que j’avais envie d’entendre de sa bouche lorsqu’il arriverait. Là, les mots manquèrent. Qu’avais-je envie d’entendre ? Je n’étais même pas capable de dire si mes jambes me porteraient jusqu’à ce café parisien. Jouant le jeu je réponds : « que tu m’attendais avec impatience et fébrilité ». Cela le fait rire. Je me sens maladroite et Lui si expérimenté… Zéro en confiance sur ce coup-là.

    J’essaie d’imaginer comment vont se passer ces premières minutes où je serai seule avec Lui. Car oui, il a été convenu que Jonah me laisserait aller seule dans un premier temps. J’ai bien évidemment trouvé cela très excitant, comme un premier rencard. Sans mon époux. Je deviens une femme libre et émancipée, là pour jouer le jeu de la séduction. C’est grisant. Comme si je pouvais mesurer mon potentiel. La quarantaine fait vaciller les convictions et celle d’être ou pas une jolie femme attirante en fait partie, pour ma part. Alors il faut se lancer.

    J’ai une représentation mentale de Pietro qui ne correspond pas à la réalité. J’en suis consciente et tente de m’y préparer. Il y a du vent malgré le soleil et je frissonne. Jonah et moi nous séparons à la sortie du métro. Je suis de moins en moins bavarde. Je vais rencontrer un homme sur lequel je projette des fantasmes de folie. Je vais prendre un verre avec celui qui va peut-être compléter nos soirées de sexe débridé. C’est dingue. Et c’est pourtant ce dont j’ai envie. Ce mot revient souvent. Envie de ça. Envie de toi. Envie de tout. Envie de baise. Je suis un être d’envie et plutôt à l’écoute de mon corps même si je suis loin d’en imaginer toutes les ressources. Je m’assois à la terrasse du café en question, non sans me dire que Pietro a probablement l’habitude de venir « recruter » à cet endroit. Ma respiration est courte. J’ose à peine lever les yeux vers la rue, de peur de Le découvrir. Je croise et recroise mes jambes. Il m’envoie un sms précisant qu’il arrivait, me demandant ce que je portais. Je décris péniblement ma robe tandis que je perds lentement la tête, réalisant l’incongruité de la situation. Comme je suis loin de ma vie de maman… comme je suis loin de la vie de femme sage et rangée. Ça me pétrifie, tout autant que cela me donne des ailes : je me sens séduisante, basculant du côté obscur, à la découverte d’un monde nouveau. Les papillons entre mes reins commencent leur danse.

    Pietro arrive enfin. Bon sang ce qu’il est grand ! Il est chic. Très parisien. Il me lance un « Salut Folie » et on s’embrasse amicalement. Je suis pétrifiée. Glacée. Il est déjà très entreprenant, rien qu’à sa voix et sa gestuelle. Je me referme. Pourtant, il me glisse : « Je t’attendais avec impatience et fébrilité », ça nous fait rire. J’ai la vague sensation d’être à un entretien d’embauche, j’ose à peine le regarder. Il a à la main une pile de livres. Aux titres alambiqués et ambitieux. Je me moque gentiment. J’ai intérieurement le sentiment qu’il joue un rôle. Peu à peu, je me rends compte que je ne suis pas dupe. Ainsi je ne joue pas le jeu. Mais alors qu’est-ce que je fais ici ? Il parle beaucoup, plaisante, semble doué pour détendre l’atmosphère. Je reste sur mes gardes, distante. Sa profession l’a habitué à gérer les humeurs, canaliser les gens. Il sait quoi dire, à quel moment. Cela me déstabilise et me donne la vague sensation d’être manipulée. Dans la gueule du loup, telle une petite femme fragile et naïve.

    Une question me taraude depuis plusieurs jours : au vu des commentaires lus sur le Net à son sujet, suite à ses performances libertines, c’est un amant exceptionnellement doué, attentionné, endurant. Il a toutes les qualités. Pourquoi son épouse ne profite-t-elle pas de ces atouts ?

    Là, il tique un peu, hésite mais joue franc jeu. Il me répond. M’explique. Argumente et analyse. Le discours est long mais il a le mérite de répondre à ma question. Face à sa sincérité (j‘ose espérer que c‘était bien cela), la détente avance d‘un pas en moi. Pietro est convaincant et fait fi de mon scepticisme. Pour lui, rien n’est plus simple que l’union de trois personnes. Les ingrédients : légèreté, amitié, complicité et confiance. Et la nécessité de se plaire. Je l’écoute me convaincre. La sceptique que je suis fond légèrement.

    Il fait toujours froid, effet du stress probablement. Il plaisante, sans réussir à me faire vraiment rire. Je ne suis pas à ce que je fais, mon esprit vagabonde, ailleurs. Je m’attelle à le regarder davantage. Des images coquines traversent mon esprit. Ses mains massives. Ses lèvres fines. Ses épaules larges. Je profite de ses rhétoriques interminables pour m’échapper et songer à ce qui pourrait arriver. Il me plaît, je crois. Nos épaules se frôlent. A plusieurs reprises. Cela m’électrise, me donne l’envie de caresser sa cuisse et de faire glisser sa main entre les miennes.

    Jonah nous rejoint. Nous n’avons même pas commandé. Ils sont plus à l’aise maintenant et j’ai l’impression d’être l’invitée. Le retour de mon Homme m’apaise. Mais il signifie également que nous allons décider. Oui ou non. Maintenant ou pas. Je me sens comme un lapin dans les phares d’une voiture. Pourtant, tout cela est délicieux et je sens ma culotte s’humidifier. La glace est brisée mais pas suffisamment pour que je me jette à l’eau. Besoin de romantisme, d’anticipation. Le meilleur moment n’est-il pas l’attente ?

    Jonah commande un café avec des tonnes d’édulcorant. Je désapprouve la consommation de café et songe un instant à expliquer les méfaits de l’édulcorant sur le cerveau mais la sagesse me dicte de fermer ma bouche de rabat-joie. Il n’est pas là pour ça et c’est un grand garçon. Je commande un Perrier citron, alors que jamais de ma vie je n’ai consommé un Perrier citron dans un café. Que se passe-t-il ? Je me transforme ? Je joue un rôle ? J’aurais pu réclamer un capuccino moi qui exècre le café ou un pastis à l’odeur détestable d’anis. Tout cela m’était parfaitement égal. J’étais assise entre deux hommes qui me désiraient et à qui j’étais prête à m’offrir. L’un que j’aime de longue date et dont je retombe amoureuse peu à peu, l’autre qui joue habilement la séduction, pour qui je deviens un challenge, à qui je suis prête à me donner. C’était dingue. Je me sens soudain plus femme, plus belle et plus attirante que jamais, plus vivante encore. L’euphorie me gagne même si je reste en apparences sur ma réserve, comme toujours. Là, je réalise que j’ai envie qu’ils me serrent tous les deux, qu’ils m’emprisonnent et m’aiment. J’ai envie d’être leur Reine comme ils disent. Envie d’être désirable entre leurs quatre mains, envie de m’abandonner à leurs désirs, envie qu’ils me prennent, tous les deux, ensemble, dans un trio sensuel et éclatant, sans tabou ni limite. Envie d’être moi.

    Je m’éclipse jusqu’aux toilettes du café. Galant, il écarte la chaise pour me laisser passer, j‘apprécie le geste. J’ignore s’ils vont parler de moi pendant mon absence. L’idée me chatouille. Je ne peux que constater que ma culotte est trempée. Victime collatérale des chamboulements qui me traversent. J’ose à peine me regarder dans le miroir. Suis-je toujours moi ? Je me recoiffe, juste pour me rassurer. Jonah et moi n’avions pas convenu d’un signe discret, comme l’avait suggéré Pietro, plutôt habitué à gérer les hésitations de certains. Les mains fébriles, je tape un sms à mon Homme. Le sms du feu vert. Le message qui annonce que je suis partante, même bien décidée. Mais pas aujourd’hui. C’est trop dans une même journée et je dois à mon tour digérer. Souffler. Redescendre.

    A mon retour, ils semblent absorbés dans une conversation à des lieues de mes préoccupations. il n’a pas encore lu mon message. Je me rassois, je le frôle, presque délibérément, cherchant un contact charnel. Je suis comme une gamine. Ma main serre celle de Jonah, comme pour lui assurer que tout va bien, que notre union reste la même, que tout cela va nous porter et pas nous mettre droit dans le mur. La chaleur de sa peau me rassure. Depuis le début, il est mon garde-fou, mon soutien, mon modérateur, important pour une femme comme moi qui peut être tout feu tout flamme. Un coup de fil. Il s’éloigne. De nouveau en tête-à-tête avec Pietro. Il parle encore. Il fait tout pour me mettre à l’aise même si c’est encore un peu compliqué. Il m’annonce être très content de m’avoir rencontrée. Je n’ose lui renvoyer le compliment, peu sûre de mon ressenti. Seulement, j’aime sa voix et son aisance verbale. Je sais qu’avec lui, on peut se lancer. Je sens qu’il peut être un guide hors pair ainsi qu’un amant remarquable. Le feeling quoi.

    Retour de Jonah. Il annonce avec une facilité qui me surprend que nous sommes ok. Mais que cela ne se fera pas aujourd’hui. Pietro acquiesce, comprend et semble satisfait. Rendez-vous est pris pour vendredi 13 juillet.

    Nous repartons tous les trois et je reste entre eux deux, délicieusement accompagnée, entourée. Pietro me flatte quant à ma beauté puis lance : « Tu as une très belle femme Jonah ». Je n’ai pas l’impression qu’il parle de moi et pourtant… On s’embrasse, on se souhaite un bon retour, on plaisante une dernière fois en s’assurant qu’on en rira plus tard puis nous nous séparons. Lui vers son quartier. Nous vers le métro. Une page se tourne.

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    Le retour est un peu moins rose que les jours précédents. Soirée houleuse, trop d’émotions probablement, beaucoup de pression, notre relation qui évolue, les peurs qui se manifestent… En discuter nous apaise et nous nous endormons lovés, nus, sages.

    Par messages, toujours plus sensuels et explicites, nous érigeons tour à tour nos tops 3 des pratiques sexuelles. C’est l’occasion pour moi d’en prendre conscience. Je suis tellement dans l’instinct qu’à aucun moment je ne m’étais posé la question de mes préférences sexuelles. En réalisant cela, je me sens telle une nonne découvrant son corps et ses désirs.

    Par message, Pietro me demande s’il me plaît. La réponse est difficile à donner, je le connais si peu… mais je ne peux que lui confirmer que si j’ai dit oui, c’est qu’il me plaît. Il me dit qu’il a eu très envie de m’embrasser cet après-midi-là. Cela aurait été déplacé pour moi. Toutefois, je décide de me dévoiler un peu en lui avouant qu’en regardant ses mains, j’ai songé à ce qu’elles se glissent entre mes cuisses. Il en rit, presque choqué que je n’envisage pas un baiser mais plus volontiers une caresse. En y réfléchissant, je me dis que c’est effectivement étrange. Oui mais, c’est très personnel un baiser. D’ailleurs, c’est un sujet que nous avons aussi évoqué avec Jonah. Allons-nous nous embrasser ? La question pour moi est plutôt : peut-on faire l’amour, acte sensuel d’échange de plaisir, sans s’embrasser ? La bouche est un organe fondamentalement sensuel, générateur de plaisir, outil précieux qui peut lécher, lubrifier, embrasser, titiller, mordiller, aspirer, caresser… il y en a tant. S’embrasser fait partie intégrante de l’amour, de l’acte sexuel. Ainsi je vais embrasser cet homme. Que je ne connais pas. Cela a le don de m’angoisser mais au fond, ce baiser signifiera : « J’ai envie de toi, je me donne à toi, sois bienveillant et faites-moi l’amour ».

     

    Ce vendredi 13, nous devons ranger et nettoyer la maison de fond en comble puisqu’elle est louée et ce ménage est une aubaine. Il va occuper nos corps et nos esprits toute la journée. Parfois, lorsqu’on se croise dans la maison, on s’accorde un petit sourire, complice, mais qui incarne tout l’enjeu qui nous pèse sur les épaules. Pietro nous contacte, semble tâter le terrain. A-t-il eu un doute sur notre venue ? Il nous répond que ça lui a traversé l’esprit. On en rit. Seulement, les estomacs sont noués. Pour nous, du moins.

    C’est finalement dans cet appartement qui ne m’enchantait guère que cette jolie soirée aura lieu. Un ami de Pietro le lui prête. Etrange. Pratique au demeurant. Cet endroit a probablement accueilli nombre de soirées libertines… Nous ne savons pas où il se trouve précisément ; l’adresse nous sera donnée au dernier moment. Il a l’habitude de fonctionner ainsi et cela me rappelle les teufs clandestines ou rave party de ma jeunesse. Il y a ce côté interdit, qui attise et à la fois, je me dis que c’est un peu ridicule. Mon appréhension me rend cynique. Jonah est encore une fois plus détendu. En apparence ? Nous nous attelons à faire briller notre jolie et grande maison. La tête se vide et ce n’est pas du luxe.

    Pietro me demande via Whatsapp de lui envoyer une photo de ma bouche. Je suis en pyjama, en plein ménage, pas du tout dans le mood. J’envoie ma photo de ma bouche. Simple, efficace. Le temps passe, me laissant réaliser l’incrédulité de ma personne. Alors, je mets mon rouge à lèvres, je prends la photo, un petit sourire en coin, pour enfin lui envoyer en précisant : « C’est mieux là ! ». J’ai presque honte d’avoir été aussi cruche. Mais j’apprends vite.

    16h : Le choix de la robe. Jonah me regarde faire les essayages, acquiesce, conteste, remarque, critique, apprécie… Finalement, nous optons pour une robe courte de couleur pourpre fendue dans le dos. Le tissu est fin et suit mes courbes en détails. Sous-vêtements ? Simplicité avant tout : je n’en mets pas. J’ai la sensation d’être totalement nue. C’est délicieux. Mon Homme me lance un challenge : passer au supermarché seule, dans cette tenue, avant de partir vers Paris. Poltronne au possible, je refuse net. Je songe à mon travail, aux personnes que je pourrais croiser, à mes collègues, au regard des gens d’ici qui sont peu habitués à ce que les femmes soient très femmes et plutôt déshabillées… Il insiste, me démontre que c’est pour me mettre en condition. Je ne suis pas vraiment excitée. L’inquiétude grandit peu à peu et entre mes reins, le volcan s’est quelque peu éteint. Vraiment, ça ne me tente pas. Il est convaincant, m’accorde de m’accompagner alors nous topons.

    17h30, Franprix. Je me faufile entre les rayons, à la recherche de choses sympa à grignoter avec le champagne et du Coca pour Pietro. Je rase les murs, pas très fière. Vendredi en fin de journée, le magasin est bien rempli. J’évite les regards. Je ne veux pas voir qui devine l’absence de sous-vêtements sous ma robe, qui se dit que cette femme est prête pour un trio (?!). Jonah s’amuse de me voir mal à l’aise et tenter de faire les courses à toute vitesse. Ouf, à la caisse. Dans mon dos, j’entends une voix : « Bonjour ! » Tiens… Monsieur Machin ! Interlocuteur hebdomadaire au boulot qui prend un plaisir tout particulier à m’appeler sur mon portable pour me signaler qu’il aura 5 minutes de retard, celui qui n’hésite pas à faire glisser son regard de bas en haut sur ma personne lorsqu’on se voit entre deux portes. Petite conversation aimable. J’ai l’impression d’être nue devant lui. C’est très étrange et cela n’améliore pas mon stress. On se salue, se promet de se revoir à la rentrée… Voilà. Un regard pour Jonah : il sourit. Je comprends qu’il faut dédramatiser et m’efforce de me détendre. En vain.

    Dans la voiture, le silence est d’or. Parfois, on essaie de trouver un thème de discussion mais ça retombe comme un soufflé. On évoque cette soirée, à demi-mots. On essaie de se projeter dans ce truc qui nous est totalement inconnu. Complexe.

    Il y a une grande question qui nous tient depuis que la décision a été prise et que la date a été fixée : à quel moment on bascule du stade amis autour d’un verre à amants débridés ? Ce moment-là me terrifie, je l‘appréhende avec inquiétude. Tout comme le moment de mon premier baiser, il y a de ça 25 ans. Comment cela peut-il se passer naturellement ? Nous en parlons régulièrement sans pouvoir répondre à la question. Et pourtant, c’est presque uniquement ce mouvement d’articulation de notre trio qui m’inquiète. Je n’ai pas d’inquiétude quant au sexe, je sais que ça ne peut qu’être intense et sensuel. Je n’ai pas d’inquiétude quant à Jonah, c’est un amant attentionné et doué, un mari aimant et bienveillant. Je n’ai pas d’inquiétude quant à Pierre, nous l’avons choisi, questionné, rencontré, mis au parfum, nous savons ses qualités d’amant grâce aux témoignages. Mais à quel moment allons-nous nous lancer ?

    Pietro avait tenté de répondre à notre questionnement auparavant, sans y parvenir vraiment. Il a même proposé des stratagèmes ou mises en scènes. Mais je veux que tout se passe naturellement. Pas de jeux de rôles. Cela me met mal à l’aise et à ce moment de ma vie, je n’ai nullement besoin de ça. On occulte. Je compte sur le champagne pour me faire oublier les conventions. Il me permettra de me lancer sans tergiverser. Idéal.

    Pour connaître mon humeur, Jonah ose un doigt entre mes cuisses. Déception. Le stress agit comme un vent du sud. Il assèche. Cela semble le faire vaciller. Il craint de son côté des soucis d’érection. Pietro est dit « endurant » et cela a tendance à mettre la pression. Une fois de plus. J’essaie de le rassurer, sans toutefois connaître le fonctionnement de la chose. Aucune crédibilité. Il m’invite à profiter du moment même si lui, de son côté n’est pas au top. Difficile à imaginer. Sans lui, cette aventure n’a pas lieu d’être. Sans lui, il ne s’agit que d’un adultère. Ce n’est pas ce que je recherche. L’inquiétude monte d’un cran mais je garde cela pour moi. Je ne veux en aucun cas l’acculer. Nous avons suffisamment de sujets générateurs de stress pour ajouter celui de la panne sexuelle…

    Paris se rapproche. J’ai la gorge sèche. Nous avons maintenant l’adresse. De temps à autre, je me demande à quoi peut bien ressembler cet appart. Je me questionne également au sujet de Pietro : de quelle humeur est-il ? Le stress l’a-t-il envahi ? Ou bien l’habitude fait qu’il est calme et serein ? Est-il joyeux ? Inquiet ? Blasé ? Pressé ?

    La chaleur ne redescend pas dehors et j’ai le bout des doigts gelés, les seins qui pointent, alors qu’ils sont d’habitude bien dissimulés dans des soutiens-gorges coqués. Je frissonne. En moi s’insinue l’idée que nous allons réaliser un fantasme qui me tient depuis longtemps, un fantasme qu’on a souvent verbalisé lors de nos ébats sexuels intenses. Et nous allons le faire avec un orfèvre du libertinage. Que de chemin parcouru…

    Le GPS nous conduit docilement jusqu’à l’adresse mystérieuse donnée auparavant. On se gare. On prend notre panier dans lequel se trouvent les objets du délit : champagne, préservatifs, Poppers (que nous n’utiliserons pas) et une culotte propre. Tout est noyé dans le silence. Dehors, la pluie d’été peine à rafraîchir l’atmosphère. Le quartier est plaisant. La banlieue sud. Nous avançons sur le trottoir mouillé, trempant mes sandales et mes pieds. Nos mains sont liées, nouées. Jonah semble plus décidé et avance d’un bon pas. Je traîne un peu. Je ne veux pas souiller mes pieds outre mesure. J’ai un trac de folie. Interphone. Un bip se fait entendre et nous ouvre la porte de cette soirée que l’on n’oubliera pas de sitôt.

    Lorsque Pietro apparaît, j’ai presque l’impression qu’il a le trac, lui aussi. Le contraire serait injuste. On se salue comme si de rien n’était, il est affairé à la cuisine, il a pris la pluie. En l’embrassant, j’ai senti son odeur. Agréable et douce. Parfumé alors ? Il est vraiment grand. J’aime ça. Pour la première fois, je l’ai embrassé en l’envisageant sérieusement comme amant. C’est très particulier ce sentiment : la distance est là, mais je sais au fond de moi qu’elle est très fragile et presque chimérique.

    L’appartement n’a rien de sordide. Des dessins affichés sur le frigo montrent que des enfants vivent ici. C’est lumineux et joliment décoré. J’ai presque honte d’entrer dans ce doux foyer pour y réaliser des choses peu catholiques. Je n’ai qu’une hâte, bénéficier de l’ivresse du champagne, pour me détendre, respirer à nouveau, me livrer enfin. Nous avons oublié les courses dans la voiture. Jonah ne me laisse pas le choix un seul instant : il file et je reste seule, assise sur le tabouret de bar, face à Lui. Je me sens moins effarouchée que ce mercredi où nous nous étions côtoyés à Paris. Mais le trac est là. Entre les côtes. Le champagne est servi, enfin. Il parle comme il sait si bien le faire, je l’écoute, j’essaie de jouer l’interlocutrice détendue tandis que je sens qu’il voit tout à fait clair en moi. Un livre ouvert. Totalement partagée entre l’excitation d’être ici, avec Lui, en attendant mon mari, et l’inquiétude de cette soirée qui basculera tôt ou tard dans une ambiance sensuelle, torride, lubrique. J’avale une longue gorgée dans ma coupe. L’ivresse va bien finir par arriver.

     

    3-

     

    Nous voilà tous les trois, à deviser sur des thèmes aussi divers que les voyages, et… je ne peux même plus dire quoi d’autre. Pietro a voyagé par le passé. Cela nous parle. Il nous semble subitement plus proche et à la fin de toutes nos phrases dites pour chacune avec légèreté, je me dis que nous sommes là pour baiser, avec la sensation singulière d’être la seule à en avoir conscience. Je baisse les yeux, mes pieds sont sales. Je demande où est la salle de bain, pour les rincer et l’air de rien, jeter un coup d’œil à la chambre où peut-être nous…

    C’est propre. C’est spacieux. Avec empressement, je passe mes pieds à l’eau chaude. Pourquoi empressement ? Aucune idée. Tout est source de stress. Je ne peux pourtant pas m’empêcher de sourire béatement aux murs de la salle de bain. Je réalise avec délice que je suis dans la gueule du loup et que ce que j’espérais va probablement arriver : deux hommes vont me baiser, ensemble. Ces deux hommes sont charmants, aimants, affables, intéressants et séduits par ma personne. Ils sont bien décidés à me faire l’amour. Grâce au champagne, les papillons sont maintenant bien réveillés entre mes reins. Je n’ose aller vérifier de mes doigts mon entrejambe… seulement, je sens qu’il se passe quelque chose.

    Je reviens vers eux en me demandant ce qui a pu changer entre mon départ et mon retour. Mes deux hommes ont changé de place. Ils occupent le canapé. Entre eux deux, un gigantesque espace. Ma place. Je vois leurs regards qui brillent posés sur moi. C’est juste enivrant. Je n’ai plus le choix, ils ont décidé pour moi, pour nous. Je vais m’engouffrer dans ce passage qu‘ils me frayent, presque soulagée. Mon ventre se serre, la tension est palpable dans ce salon. Il y a de la musique. Dans ma tête aussi. J’ai le souffle court, m’approchant du plongeoir duquel je vais devoir me jeter. Jonah me sourit. Je m’assois entre eux deux, tentant d’être aussi proche de l’un que de l’autre. J’avale encore un peu de champagne. Mon Homme me caresse la cuisse doucement. La discussion se poursuit, d’un ton peut-être un peu plus doux, feutré. On entend par le balcon ouvert les cris des enfants qui jouent dehors. La chaleur est pénétrante. Pietro me caresse doucement le bras tandis que nous évoquons à demi-mot Twitter et mes followers sur lesquels j’exerce avec délectation mon pouvoir de séduction, au beau fixe ces derniers temps. Ce contact très simple, presque enfantin, me fait frémir. Une main inconnue me touche en même temps que Jonah. Pragmatique, j’ôte mes sandales. La vie pieds-nus est bien plus chouette.

    Le temps est suspendu. Je ne sais pas à quel moment les choses vont basculer, c’est toutefois en bonne voie et tout semble naturel pour le moment. J’adore et je me sens flotter. L’atmosphère n’est plus lourde, je suis bien. Un brin ivre. Je dois quitter mon statut de spectatrice et me lancer. Moi aussi je veux participer et leur montrer combien j’ai envie d’eux. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Une lame de désir surgit du fond de mes entrailles : j’ai une putain d’envie d’être aimée, prise, caressée, attrapée, enlacée par ces deux hommes. Poussée par cette vague, je pose doucement ma main sur la cuisse inconnue. Nos mains se rencontrent. Je sens le souffle de Jonah dans mon cou. Il m’embrasse sensuellement, comme j’aime.

    C’est maintenant. La bascule.

    Je prends la main de mon nouvel amant et la guide jusqu’à mon sein. Il caresse d’abord doucement, puis palpe. J’ai les yeux qui se ferment. Ma main gauche caresse Jo. Nos doigts s’emmêlent, amoureusement. Je tourne la tête à droite, légèrement perdue et tend mes lèvres vers Lui. J’ai envie qu’il m’embrasse, envie de connaître le goût de sa bouche, de sa salive. Je ne lâche pas l’Homme de ma vie, je veux que ce soit un moment de partage. Et puis sa présence et ses caresses me rassurent et m’invitent à poursuivre cet acte incroyable que nous allons réaliser. Je le sens très excité, comme moi. Embrasser Pietro me fait presque perdre la tête : c’est doux, c’est bon et c’est très sensuel. Pas de place pour la mièvrerie. Nos trois corps se sont rapprochés, serrés sur ce sofa. Là, ma main s’enhardit et glisse sur son pantalon, à la rencontre de son sexe, dressé et dur. Je chavire. Nous venons de basculer et c’est une soirée débridée qui s’annonce. Je suis heureuse, comblée. Je suis moi.

    S’ensuivent des ébats d’une rare sensualité. Le salon, que nous ne connaissions pas il y a encore une heure est devenu notre terrain de jeu. Il ne s’agit pas de préliminaires, non. C’est un incroyable prologue vers la baise. C’est beau, c’est bon, c’est charnel, jamais grossier ni obscène. C’est jouissif, sexy, lascif et terriblement érotique. Je deviens leur femme et ils me procurent ensemble un plaisir insoupçonné. J’ai les yeux qui brillent, un sourire gourmand dont je ne peux me débarrasser. Plus de questionnement quant à l’humidité de mon sexe, qui devient un puits sans fond de cyprine. Je me sens belle, désirable, dépravée, impudique et prête à tout pour eux deux. Je me mords la lèvre inférieure, sans cesse, geste significatif d’une perte de contrôle. Je gémis. Beaucoup. Besoin d’extérioriser. Je répète sans cesse : c’est dingue… Le plaisir est tellement intense ! Il n’est pas aussi bavard qu’on le disait, cependant, il s‘amuse et prend visiblement du plaisir lui aussi. Il est à fond. Doué. Insatiable. Gourmand. Il me guide parfois, ne néglige pas Jonah, fait des propositions que nous acceptons avec amusement. Lorsqu’il se glisse entre mes cuisses, il me fait un cunnilingus de folie, se donne à 120 %, n’a plus de limites et ça me rend dingue de plaisir.

    Et puis il y a eu ce moment que j’attendais, dont les images me traversaient régulièrement l’esprit : leurs deux queues dressées devant moi, face à mon visage et dont j’ai enfin pu me délecter. Je suce, je happe, je lèche, je vais de l’une à l’autre en me répétant que je vis un truc exceptionnel, qui me porte vers l’extase. C’est encore mieux que ce que j’avais espéré. Sa queue est belle, honorable, douce. Différente, mais je ne saurais dire en quels points. L’avoir entre mes doigts me fait chavirer. Lorsqu’elle entre dans ma bouche, je touche les étoiles. Une queue dans chaque main. Wahou…

    De temps à autre, Jonah et moi nous lançons des regards qui disent : « Tout va bien ». Il s’efforce de me rassurer tandis que je veux être sûre que son érection qui a du mal à tenir ne le maintient pas à distance ou pire, loin du plaisir. Je sens à sa voix qu’il kiffe, qu’il aime, qu’il profite et que de me voir ainsi entre les mains de Pietro l’excite au plus haut point. Jamais je ne serai assez reconnaissante envers lui de m’avoir menée jusqu’à Lui, de m’avoir accompagnée dans cette démarche de couple, d’avoir osé nous inscrire sur ce site et accepté de nous mettre « en danger » pour notre plaisir. Et dans mes yeux que je pose sur lui, il y a tout cela : l’Amour, la reconnaissance, le bonheur et la certitude d’avoir épousé une perle.

     

     

    4-

     

    Il nous faut une pause. Ce constat est dans toutes les têtes. Besoin de se désaltérer; besoin de souffler, besoin de se nourrir. La chaleur semble s’être accentuée et je transpire comme je n’ai jamais transpiré de ma vie, pas même en traversant la Vallée de la Mort, sans climatisation. Mes jambes flagellent. Je suis dans un état second, mais bien présente. J’ignore si des mots ont été dits mais naturellement -c’était le mot d’ordre !- nous changeons de décor et nous glissons vers la chambre. Ma nudité ne me gêne pas. Plus. La leur non plus. Pietro est bien dans son corps, il en maîtrise tous les rouages, se connaît et le revendique. Jonah ne semble pas bloqué de ce côté-là non plus. Nous sommes 3, nus, chauds, dans un endroit qui nous laisse toute la liberté d’exprimer notre désir, nos désirs, les plus fous, les plus sensuels, les plus érotiques.

    Pietro apporte de quoi grignoter et boire, pose tout cela au pied du lit. S’est-il douché ? Une bribe de souvenir me traverse : je suis seule, sur ce lit inconnu aux draps clairs, nue, dans une position lascive, attendant mes Hommes. Je me demande à quelle sauce ils vont me croquer. Je suis comme un enfant devant le sapin de Noël. Impatiente, presque comblée, séduite, amoureuse. Mon égo a explosé. Ils m’ont procuré un plaisir infini, je me suis donnée à eux avec bonheur, percevant leur désir et leur appétit sexuel qui n’a à aucun moment fléchi. Si je suis restée laconique pendant ce prologue, en dehors de quelques « Oh les gars… »  répétitifs, Jonah a su me murmurer des mots d’amour, comme il sait si bien le faire : « Tu es si belle mon Amour, j’adore... ». Cela me réconforte, me comble, me remplit toute entière d’un sentiment de fierté. Pietro, enthousiaste, m’a également targuée de jolie rousse, qui aime baiser, me renforçant dans ma confiance avec des « Oh oui ce que tu es belle… Mmmh… on va bien te baiser ma jolie ». Ce sentiment d’être un être de désir et de concupiscence me porte. L’ivresse du champagne n’est plus qu’un vague souvenir. La béatitude, l’étourdissement, la griserie m’habitent. Les éléments extérieurs n’ont plus vraiment d’importance. J’ai oublié le décor, j’ai oublié les fenêtres ouvertes, j’ai oublié que nous occupions un appartement inconnu. Les craintes ont disparu. Définitivement.

     

    Les garçons reviennent tandis que je leur lance un Vous m‘avez manqué qui les amuse. Je deviens taquine, presque provocatrice. Mes pensées vont vers la gent féminine ; toute femme mériterait d’être ainsi aimée. Cela devrait faire partie des obligations du couple. Je songe également à la réaction d’une femme, peu importe laquelle, si je révélais ce que nous sommes en train de faire : offuscation, jugement, distance. Dommage… j’aurais adoré m’en vanter et conseiller cette pratique…

    Mes 2 amants se positionnent de chaque côté de mon corps brûlant et rien n’est plus délicieux que de les sentir bandants, chauds, humides, contre ma peau. Je comprends alors que ce n’est que le début et me réjouis à l’idée d’être enfin pénétrée, limée, déglinguée, pilonnée… nous baisons à trois, avec frénésie. C’est doux de s’abandonner à eux sans limite. La pudeur a disparu. Lorsque je prends la queue de Pietro en bouche, je sens qu’il est très excité. Cela a le don de me rendre encore plus conquérante : j’aspire fougueusement, le caresse en même temps, offrant mon sexe dilaté, au clitoris bandé à la bouche de Jonah. C’est là que mon 2e amant jouit. Dans ma bouche. C’est chaud, salé et j’avale sans me poser de question, complètement enivrée par l’idée de l’avoir fait jouir. Moment exaltant que de l’entendre haleter, submergé par un plaisir non feint. Là, un court instant, je me dis que ces ébats vont bientôt s’achever, la jouissance étant presque toujours synonyme d’épilogue. Sauf qu’il n’a pas l’intention de s’arrêter. Juste une maigre pause. Une douche ?

    Dans mes souvenirs, tout s’emmêle. Je me souviens d’avoir été pénétrée, je me souviens que Jonah s’était mis un peu en retrait, je me souviens des préservatifs qui viennent compliquer la fluidité des événements. Dehors, un feu d’artifice éclatait, couvrant enfin ma voix et mes gémissements dont tout le quartier a dû profiter… je me souviens de m’être totalement abandonnée, d’avoir perdu la tête, d’avoir guidé le sexe de Pietro vers moi pour en avoir encore et encore, sans vérifier s’il y avait un préservatif. Je prends mon pied, je suis sur un nuage. Lorsque j’ouvre les yeux, mon Homme me regarde d’un air réprobateur, mais je n‘en prends pas conscience immédiatement. Je suis toute à la folie de ce moment de sexe débridé. La réalité me semble si loin… Il s’échappe, me laissant entre les mains expertes de Pietro. Quelques minutes. Suffisamment pour que j’éjacule à nouveau sur ce lit qui n’est pas le nôtre. Un peu honteuse, je m’excuse, convaincue que le matelas est fichu. Je finis par rejoindre Jonah dans le salon. Nous échangeons quelques mots. Il est mon garde-fou. Depuis toujours. « Tu es en train de baiser sans capote ! ». Là, je réalise que ma conduite est irresponsable. L’abandon dans lequel je me suis laissée tomber m’a menée à cette bêtise peut-être irréparable. J’essaie de me justifier. En vain. Je retourne vers mon nouvel amant, lui annonce la couleur, penaude. Lâche, je file à la douche, laissant les garçons s’expliquer, laissant Pietro argumenter, comme il sait si bien le faire.

    La soirée touche à sa fin. Sur cette fausse note. On tente de bavarder en se rhabillant, en rangeant l’appartement. L’alchimie n’opère plus. Pourtant je suis sur un petit nuage. Contrariée, à l’évidence. Mais encore loin de la réalité. La Terre peut s’arrêter de tourner, j’ai fait l’amour avec deux hommes. Et quels amants… mes yeux pétillent encore, malgré la fatigue, malgré la fin de soirée en demi-teinte. J’aurais préféré un final plus grandiose, mais je ne peux empêcher mon bonheur d’irradier. Je ne dis mot, pour ne pas révéler aux garçons combien je me sens comblée, chanceuse, gâtée, sereine et euphorique. Je ne songe pas ou plus au fait de m’être exposée avec Pietro, dans l’inconscience qui me tient. En l‘écrivant, je me dis que c’était puéril, pas digne d’une mère de famille. Je suis « Tout feu tout flamme ». La tête dans les étoiles qui brillaient pour moi ce soir-là.

    Le week-end qui a suivi fut étrange. Jonah et moi nous sentions plus proches que jamais, bizarrement. Il m’avait rejointe sur mon petit nuage, loin de la réalité, et pourtant nous nous sentions particulièrement vivants, présents, heureux d’être ce couple de déjantés qui assume ses fantasmes et qui retrouve sa tribu ensuite. Pietro a été un guide hors pair, un amant attentionné et bienveillant, plutôt joueur, un brin lubrique, délicieusement doué de ses mains et de sa bouche. Nous sommes convaincus qu’il était celui qu’il nous fallait pour nous lancer.

    Les échanges écrits se poursuivent sur Whatsapp dès le lendemain. Chacun a le sentiment d’avoir été léger quant à cette histoire de préservatif. Mais très vite, nous avons besoin de nous dire que c’était un moment de partage intense, bouleversant, un moment d‘exception. Pietro parle d’osmose, d’une rencontre qui rend plus fort. Il évoque pour la première fois l’idée d’une amitié libertine. Le mot nous plaît, indéniablement. Et cela semble en très bonne voie…

     

    5-

     

    Vacances d’été. Nous savons qu’une trêve est en prévision et nécessaire. Je pars sans Jo, avec les enfants, rejoindre ma famille pour une semaine. Je flotte encore un peu sur mon nuage ; la réalité n’aura pas ma peau. Je me sens plus femme que jamais, plus séduisante que jamais, plus à l’aise dans mon corps que je ne l’ai jamais été. Me mettre en maillot de bain ne suscite plus d’appréhension, et j’ai parfois le sentiment de « parader » sur la plage. Fière. Malgré tous mes complexes qui me hantent depuis de longues années. C’est délicieux de sentir les regards de certains hommes qui glissent sur moi. Je dois dégager quelque chose d’inhabituel, car ces regards sont plus fréquents, plus nombreux, plus insistants que par le passé. Ou bien j’y prête davantage attention ? Ou est-ce que j’y suis plus sensible ? Tout cela me pose questionnement et m’amuse.

    A Paris, les choses évoluent aussi. Pietro et Jonah se voient à nouveau, sans moi. Ils vont même passer un long moment ensemble. Cela me laisse perplexe et m’excite tout autant. Je suis une femme célibataire, sous les rayons ardents du soleil, caressées des yeux masculins lorsque je me dénude au bord de l’eau, complètement soumise à mes hormones qui vont me rendre dingue. C’est d’ailleurs ce qu’ils font, via WhatsApp. Les messages sont torrides et prometteurs. J’alimente leur soif en envoyant des photos sans équivoque et me mettre ainsi à nue sous leurs yeux gourmands m’excite au plus haut point, me mets dans des états de désir fou puis me frustre. Je me sens prête à baiser avec n’importe qui, prête à allumer tout homme mal baisé dans son foyer, prête à donner et recevoir de l’amour, du sexe, de la dépravation et du plaisir. Mais je suis seule. Me caresser soulage à peine cet appétit féroce. Je garde en tête que Jo et moi allons nous retrouver en fin de semaine mais surtout… qu’ils ont fixé une date. C’est loin, à la fin du mois d’août. Mais il y a une surprise de taille : il restera 2 jours à la maison. Si je suis dépassée dans un premier temps, (en plein questionnement quant à la faisabilité d’une baise de 48h) mon envie supplante tout et je me noie dans un enthousiasme sans limite. Pierre va pénétrer notre intimité. Cela me réjouit, m’inquiète et m’excite. J’essaie d’imaginer à quoi cela pourrait ressembler, où va-t-il dormir, comment va-t-il être… on le connait si peu. C’est troublant. Il reste pourtant stoïque, comme habitué à cela. Il projette de dormir contre moi, près de Jo, serrés tous les trois dans le même lit, se réveillant pour baiser et cela, durant 48h. Encore une fois, l’idée me traverse de me réveiller au matin du 3ième jour, les jambes flageolantes, les yeux hagards, les cheveux hirsutes et l’entrejambe out of order. Mais à ce moment de ma vie, mon appétit a été mis à mal et 48h de baise me semblent envisageables. J’en ai envie. Et c’est d’un grand oui que je confirme à Jonah que je suis d’accord. Lui, il semble serein. Il a lié avec Pietro une relation qui n’appartient qu’à eux. Il semble en confiance.

    À plusieurs reprises, Pietro m’appelle. Systématiquement, en apercevant son prénom sur mon téléphone, je suis prise d’un doute : répondre ou pas ? Ce doute s’emmêle avec l’excitation et l’ivresse d’entendre sa voix. Je réponds. Il parle et cela me rappelle une douce soirée de juillet. Il parle encore, s’amuse de me faire rougir, utilise des mots crus. Il me donne des défis à relever, pour me conforter dans ma position de séductrice. Je ne suis pas toujours partante, je dois encore travailler sur moi. Mais cela m’amuse. Beaucoup.

    Tout au long de ces vacances, Pierre Jonah et moi partageons nos envies, nos désirs, nos fantasmes. On joue. On échange des photos. On se promet monts et merveilles en attendant le 28 août. L’attente reste un moment que j’affectionne particulièrement ; telle une enfant avant Noël, j’attends, je compte les jours, je me déconcentre quelque peu, je m’efforce de profiter des moments présents, sur les conseils de mon mari. Pas facile. J’ai la tête ailleurs.

    Suite à un cri du cœur de Jonah qui a besoin d‘air, il y a une période d’accalmie sur notre trio. Un froid. Pas polaire, mais automnal. Pietro a besoin de prendre un peu de recul. Moi j’essaie d’être à l’écoute de Jo.

    Au fil du temps, je comprends que Jonah s’en veut et qu’il regrette d’avoir « refroidi » tout le monde. Je lui assure qu’il en faut davantage pour me refroidir, pour le faire rire. Je lui répète qu’il s’est livré et qu’il a exprimé un sentiment douloureux et en cela, nous devons modifier certaines données. Je m’engage à limiter les sms avec Pietro. Je ne veux pas perdre notre trio, à cause de relations virtuelles qui n’aboutiront probablement jamais. Pietro est là, dans nos vies. C’est concret, c’est intense. Ne gâchons rien.

     

     

     

    6-

     

    La date du 28 approche à pas de loup. Entre mes reins commence une douce ondulation. Je fais les choses avec un sourire que je ne parviens pas à effacer, telle Cendrillon après le bal, qui poursuit ses tâches, transie par sa rencontre. J’ai des images qui me traversent, des images sensuelles, des réminiscences du 13 juillet qui me tordent délicieusement le ventre. Cela va encore arriver. Oui. C’est dingue.

    Suite à nos jeux de l’été, je me sens un peu plus sûre de moi. M’habiller un brin sexy ne me fait plus peur. Je porte beaucoup de jupes, de robes, je me féminise et assume les regards posés sur moi. Parfois même, je les cherche.

    Pour apaiser les cœurs, nous avons bavardé de tout ce qui chagrinait Jonah, par téléphone avec Lui. Ils ont ensuite évoqué cela de vive voix. Pietro nous assure de sa volonté de poursuivre, avec plaisir, dans nos pérégrinations sexuelles débridées.

    Il nous propose de venir chez lui dimanche soir, en amont de ces 2 jours de baise prévus chez nous. Là, je doute. Est-ce que ce n’est pas trop ? Allons-nous apprécier de nous revoir si peu de temps après ? Voilà des jours que je visualise, que j’imagine ce moment chez nous, avec Lui. Je sais que l’abstinence et l’attente vont faire terriblement monter le désir. Alors pourquoi se voir 2 jours avant ? J’en parle avec ma moitié qui me montre qu’encore une fois, j’ai les cartes en main, même s’il comprend mes doutes et les partage un peu. Je ne veux pas que Pietro soit froissé. Il ne s’agit en aucun cas d’un refus, c’est juste stratégique. Je veux être au top pour le 28.

    Il ne le prend pas mal, enfin… il ne nous le montre pas. Il se moque de mon appétit d’oiseau puis m’assure qu’il va voir un pote, ce soir-là puisque nous ne sommes pas disposés à le voir. C’est le jeu du chat et de la souris auquel nous jouons.

    Week-end en famille. De quoi éteindre un peu le désir. Jonah et moi profitons de notre location en amoureux pour se retrouver sexuellement -nous étions-nous perdus ?- et nous le partageons avec Pietro par échange de photos, comme souvent. On se fait charrier par les cousins qui nous reprochent d’être très proches, très amoureux. Ça nous fait marrer car ils sont à des lieues d’imaginer ce qui se passe dans notre vie. « Et qu’est-ce que vous allez faire cette semaine, puisque vous n’avez pas les enfants ? ». Si vous saviez…

    Train retour pour Paris. C’est un wagon à l’ancienne, avec compartiment. Que des nanas seules avec nous. Arrive enfin un jeune homme pour remonter le quota. Jo m’envoie des sms coquins au sujet de la jolie brune en face de nous. Il l’imagine avec moi… alors que je penche davantage pour une initiation sexuelle pour le jeune homme. Bref, nous sommes chauds. Comme souvent ces derniers temps. Paris approche. Nous avons tous les deux en tête que nous sommes de passage à Paris, en amoureux. Chose rarissime. Pietro est en célibataire pour une semaine. Et nous allons volontairement louper cette occasion. C’est raisonnable. Et stratégique. Je me le répète. Jonah acquiesce. Il veut me laisser libre de mes choix.

    Nous avons 20 minutes pour rejoindre la gare de l’Est depuis St Lazare. Jouable me dit-il. Il est à vélo, moi en métro. Allez, on se hâte pour chopper le train de 19h16. Je file dans les couloirs, zigue-zague entre les usagers, je peste en surveillant les rails où le métro n’en finit pas d’arriver. Second changement. Là, je comprends que ça va être compliqué pour le train de 19h16... Bloquée à Opéra. J’arrive péniblement à Gare de l’Est à 19h15, Jo est là, son vélo à la main. Il me sourit, soucieux de ne pas m‘accabler. Et, s’insinue dans mon esprit, sans que j’en aie conscience, l’idée de disposer de temps. A Paris.

    A cet instant précis, Pietro répond à mon dernier message laissé quatre heures plus tôt. Pourquoi répond-t-il exactement au moment où on se demande ce qu’on va faire. Je crois au destin. Je crois aux signes. Ratage du train. Soit. Réponse de Pietro au même moment : « Vous faites quoi ? ». Soit.

    Je réponds qu’on a loupé notre train, que c’est la loose. Jonah et moi nous dirigeons vers une terrasse de café. J’aime être à Paris. C’est bruyant et intense. On paie une fortune pour deux Perrier apportés par un serveur muet et laid mais peu importe. Il fait chaud, presque humide. On s’installe. Je ne veux toujours pas songer à ce qui pourrait arriver. Pietro nous relance : « Vous pouvez passer si vous voulez ». Ça y est. Nous y sommes au dilemme. Je suis partagée, vraiment hésitante mais je sais qu’au fond, j’ai probablement déjà décidé, parce que j‘en crève d‘envie. Je voudrais pouvoir dire non, ce n’est pas ce qui était prévu. Je ne suis pas habillée comme je le voulais, je suis un peu fatiguée, mes ongles de pieds ne sont pas parfaits, quant à l’épilation… c’est loin de tout ce que je voulais pour ce second trio. Seulement les papillons tourbillonnent au creux de mes reins et je sens surgir au fond de moi une envie irrépressible d’être aimée. Jonah me regarde, sourit. Il est mon arbitre, mon conseiller. Il est également toujours prêt pour une soirée de sexe débridé. Il me connaît. Comme personne. Et ça, c’est délicieux. Il pousse le vice jusqu’à envoyer à Pietro une photo sur laquelle je ronge mes ongles, véritablement partagée. Il s’en amuse et propose de m’appeler. Là, je capitule. Avant même qu’il n’ait composé mon numéro, j’accepte. Je sais que verbalement, je ne ferai pas le poids : il sera convaincant, comme peut l’être un homme politique, je le sais. J’envoie le message : « Nan mais c’est ok pour moi aussi ». Et voilà.

     

    7-

     

    Nous nous séparons au métro Gare de l’Est. Jonah part à vélo, dans le tumulte parisien. Nous échangeons des regards égrillards. Le trajet me semble complètement décalé. Je suis seule. Avec ma valise. J’ose à peine lever les yeux sur mon environnement, convaincue que tous peuvent lire sur mon front que je vais -que je fonce- rejoindre deux hommes qui vont me baiser jusqu’à plus soif. J’ai le trac ; je veux que ce soit aussi bien que la dernière fois. Mieux ? Pietro est ravi, serein, comme toujours ; il offre un flegme sans faille. Serait-il imperméable au stress ? Quel est donc son secret ? Pragmatique, il nous demande l’ordre des activités : on baise et on dîne ou on dîne et on baise ? Jo lui répond que nous ne sommes pas franchement affamés. Ce qui est vrai. Deux jours orgiaques autour d’une table toujours garnie et des verres sans cesse remplis ont usé notre appétit. L’appréhension n’aide pas.

    Je jauge mon accoutrement et me trouve si peu élégante… cela me contrarie. J’ôte ma doudoune, laissant apparaître un pull un peu plus seyant. Je me recoiffe, rapidement. Un coup de labello sur les lèvres, réajustement du pantalon, c’est ok. Je suis presque présentable. Je sors du métro, la peur au ventre, comme si j’allais à mon premier rendez-vous. C’est à la fois pathétique et touchant. Comme toujours, je suis partagée. Il est là, il m’attend, ne me voit pas. Il a l’air d’avoir perdu 10 ans. Un jeune homme. L’effet vacances, il est bronzé et son sourire en me voyant me fait un effet certain. On s’embrasse comme deux amis chers. C’est étrange. Je ne sais pas à quoi je m’attendais… on est très sages, à distance. Trop ? Je n’ose pas franchir la distance friend zone. Lui non plus visiblement. Le bavardage s’instaure, jusqu’à ce qu’on arrive devant chez lui, où Jonah est lui aussi arrivé. Ils s’embrassent à leur tour et c’est encore une fois étonnant de voir ces deux hommes réunis par une même envie : me baiser. Quelle situation décalée ! J’adore.

    Nous entrons dans son univers. C’est presque gênant. Pour lui, quoi de plus naturel ! Il salue même un voisin dans le hall tandis que je me m’inquiète d’une justification de la présence à ses côtés d’un couple ce dimanche soir, la femme avec une valise, l’homme à vélo… cela n’inquiète que moi visiblement. Trêve de justifications. Nous montons. L’ambiance est particulière. Il y a du déjà vu et à la fois, c’est une nouveauté, ce lieu qui est une partie de Lui. Je suis délicieusement mal à l’aise, j’ai hâte d’y être, hâte de sentir leurs 4 mains sur moi, hâte de me montrer sous mon meilleur jour et sentir leur appétit exploser.

    L’intérieur est cosy, sobre. J’y découvre des photos de ses enfants. Un pan de sa vie s’offre à nous. Des montagnes de livres occupent le salon, en plus de la bibliothèque très achalandée. J’ai presque honte d’avoir douté de ses lectures lors de notre première entrevue. C’est impeccablement rangé et propre ; je me dis (à raison) que notre passage va faire basculer les choses. A ce stade de la soirée, on ignore s’il a déjà reçu des couples dans son appartement. Nous n’osons pas poser la question et puis au fond, cela a-t-il une réelle importance ?

    Douche, bavardages, apéro. Tels des potes de longue date. Comme si nous n’allions pas nous lancer dans un concerto de sensualité et d’exaltation. D’ailleurs, l’ambiance est bonne, détendue. Il n’est pas difficile de comprendre que nous sommes tout simplement bien, ensemble. Ce constat me libère de tout un tas de pensées encombrantes qui me pesaient. Je me sens légère, sereine, heureuse. Les discussions partent dans tous les sens. Les thèmes divers et variés défilent, me laissant au bout d’un moment un peu perplexe quant au but de cette soirée. Discuter c’est bien. Mais mon cœur bat fort dans ma poitrine aux tétons excités, mon clitoris frotte contre mon jean, tout au bonheur d’être sans sous-vêtements et je me languis d’un geste amoureux de l’un ou de l’autre, le geste qui sera le déclencheur de notre belle soirée. Comme je ne suis pas une cachotière, que je suis incapable de dissimuler mes sentiments, les garçons ressentent cette impatience et se rapprochent subitement de moi. Jonah évoque notre dernier sujet de conversation, les plaques de cuisson puis se moque de notre capacité à blablater alors qu’un moment délicieux nous attend. Pour confirmer ce sentiment, Pietro lance un : « Bon on va peut-être baiser maintenant ! », hilare. Il se penche vers moi pour m’embrasser goulûment, tandis que Jo me caresse l’entrejambe. Je fonds littéralement. Je réalise que j’en crevais effectivement d’envie… Là, tout bascule. Très vite, nous sommes nus sur son canapé. Le plaisir pointe, instantanément. Leurs mains expertes, leurs doigts curieux, leurs langues chaudes, leurs regards lubriques me parcourent de la tête aux pieds. J’ai la sensation de disparaître, d’oublier le poids du corps, les douleurs, les inhibitions, les complexes. Je ne suis plus qu’un être de plaisir sous leurs caresses. Je m’offre à eux, je n’ai ni peur ni honte. Je me donne à 110 % en répétant inlassablement : « Oh la la… c’est boooon… ». Difficile de me rappeler dans l’ordre la suite des événements. Les souvenirs qui me viennent sont de jolies images de trois corps unis dans le plaisir. Encore une fois mes talents de femme fontaine se sont exprimés, avec la vague sensation d’avoir sali encore… Pas de jouissance. Mais ce n’est pas une fin en soi. Je prends un pied de dingue et je crois que les réjouissances sont partagées, à en croire leurs commentaires et chuchotements à mon oreille. Pietro ne jouit pas ce soir-là, contrairement à Jo. Cela nous questionnera, plus tard, lors du debriefing. Finalement, nous partageons son canapé-lit pour une courte nuit (il y a bien longtemps que je n’ai pas fait une nuit si brève). Je dors mal, je suis mal installée et cela doit être valable pour eux deux mais… quelle jolie nuit. Mes mains vont de l’un à l’autre, mes baisers se posent sur l’épaule de l’un, puis sur la main de l’autre. Contre leurs peaux humides de sueur, je suis bien. Nous baisons en pleine nuit. Puis nous baisons au petit matin. Seule l’alarme de mon téléphone nous arrête. Je ne dois pas louper mon train. Vraiment pas. Je suis dans un état de grande fatigue et je ne suis pas la seule. Un zombie. Je crains de faire un malaise vagal sur mon lieu de travail et cela m’angoisse. Je m’efforce d’avaler la tartine préparée avec bienveillance ainsi que le jus d’orange. Je suis dans un état second. Pas vraiment là. Inquiète à l’idée de rater ce fichu train et arriver en retard au cabinet, transie par cette belle soirée de grâce et de concupiscence, épuisée de n’avoir dormi que quelques heures, confuse et perdue.

    Jo et moi nous éclipsons vers le métro, après l’avoir salué, presque trop poliment. J’aurais voulu lui offrir des aux revoir plus… démonstratifs et reconnaissants. C’est étrange de le laisser là seul et pourtant il est chez lui. On brise le trio ; cela me chagrine un brin. Avec Jo, nous avons juste le temps de nous embrasser et de nous souhaiter une belle journée. Le debrief se fera ce soir. Dans le train, je fouille dans mon sac et y trouve une banane ainsi qu’un petit papier jaune : « Un petit mot pour te souhaiter une bonne journée et un fruit qui te rappellera comme on aime te baiser ». Je ne peux pas m’empêcher de me marrer toute seule. Tendre attention qui me fait fondre, malgré son côté cru. Je m’endors dans le train, à la pêche aux heures de rattrapage, l’esprit ailleurs, le corps encore vibrant.

     

     

    8-

     

    Je dois me remettre d’équerre. Je dois me remettre d’équerre. Je dois être à la hauteur. Je veux être à la hauteur. La journée du lundi fut longue, ponctuée de bâillements, d’erreurs d’inattention, de soupirs… je n’ai qu’une envie : me lover contre Jo sur notre canapé et m’endormir. Lui aussi est fatigué. Et il est à vélo… malgré tous ces arguments, je n’ai en tête que la venue de Pietro dans notre royaume. La maison est propre et rangée, le frigo est plein. Je me glisse -pour la deuxième fois depuis que nous habitons cette demeure- dans un bain qui me délasse instantanément. Je m’occupe de mes cheveux affreusement emmêlés suite à nos ébats sur le sofa de Pietro. Je me chouchoute, me pomponne, me détend. C’est un moment doux et sucré, rare et tellement agréable. J’envoie une photo de moi à Jonah, un masque hydratant sur le visage : je suis défigurée de fatigue. Peu importe car demain est un autre jour. Et pas n’importe lequel. Le mardi 28 arrive enfin.

    Après un debriefing plutôt encourageant (nous sommes fiers et comblés par cette soirée passée et ne regrettons nullement d’être restés à Paris dimanche) nous nous lovons l’un contre l’autre sur le canapé, dînons tôt d’une soupe qui requinque, n’avons même pas la force d’ouvrir Netflix. Soirée digne d’une maison de retraite.

    Le soleil se couche sur cette journée étrange.

     

    Mardi 28. J’ai dormi profondément et me sens ressourcée à mon réveil. Il est 7h30 et je sais que je ne parviendrai pas à me rendormir. Spécialité maison. A croire que je suis trop vieille pour être capable de faire une grasse matinée. Et puis, dans mon cerveau fusent mille et une choses. Je veux que la maison soit jolie, impeccable et attrayante. Je veux que le jardin soit accueillant, bucolique et soigné. Je veux être séduisante, sexy et attirante. Je veux que ces deux jours soient délicieux, sensuels et jouissifs. Il y a un peu de boulot alors. Je liste toutes les choses à faire avant son arrivée, je tente un semblant d‘organisation. Ju a exprimé son désir d’arriver après Pierre. Un peu après. Pas masochiste non plus. Et j’attends ce moment du pick up à la gare depuis des semaines… Mon esprit a du mal à se focaliser sur mes nombreuses activités. Mais je m’efforce d’avancer. Ce soir, ce sera encore une belle soirée et rien ne peut entacher mon enthousiasme. Pas même les livreurs peu aimables qui salissent ma jolie cuisine et laissent un carton de 10 mètres carrés dans ma cour. Rien n’entame l’allégresse qui me tient, pas même notre voisin qui me parle cotisations URSSAF et comptabilité -bienvenue dans le monde du libéral-.

    Pas de nouvelles de Pietro. Jonah se moque gentiment de moi en annonçant sur Whatsapp que j’étais comme une petite fille le jour de Noël ce matin. Ça me fait rire malgré tout parce qu’il y a du vrai dans ce constat. Pietro se mêle à la conversation, évoque brièvement nos futurs ébats. Je rosis. Il n’est pas aussi enjoué que d’habitude et déjà, je me dis qu‘il n‘a peut-être pas très envie de venir. Pourquoi ? Pour des tas de raisons : nous sommes loin, il doit reprendre prochainement son boulot, élément qui ne l‘enchante guère, 48 heures c’est long, surtout avec des gens qu’on connaît depuis seulement 2 mois, bref… mon imaginaire ne faiblit pas. Nous apprenons qu’il est à l’hôpital. Là, au-delà de l’inquiétude liée à sa santé, je commence à me dire que c’est compromis. L’euphorie retombe comme un soufflé. Mon gâteau est dans le four. La maison est belle et sent bon. Je porte ma jolie jupe noire à motifs et des dessous seyants et assortis. Les enfants sont loin et heureux. Et malgré tout cet alignement des planètes, notre projet va peut-être tomber à l’eau. Pietro nous apprend qu’à cela s’ajoute un élément perturbateur : il doit rencontrer son nouveau boss prochainement. Prochainement = dans les trois jours à venir. En parallèle, Jonah m’envoie un sms pour exprimer son désappointement. J’essaie d’être philosophe : « Sometimes shit happens, on fera soirée champagne en amoureux ». Je cache mon désarroi assez bien, même si ces soirées-là avec Ju sont toujours exquises.

    Finalement, Pietro nous annonce son arrivée à 18h30. Nous sommes contents. Et soulagés que sa santé ne soit pas en danger. Il plaisante et on se dit qu’il est en forme finalement. Cette fois, l’euphorie se réveille à peine mais le trac est bien là. Jo m’envoie un sms pour m’assurer de sa fierté, me donner confiance en moi, alors qu’attendre sur le quai quand débarquent des dizaines et des dizaines de passagers est une épreuve pour moi, surtout en jupe. Je me liquéfie en voyant deux trains l’un derrière l’autre. La foule. Il me conseille de ne pas regarder. Je ne regarde pas. Je le cherche en levant de temps à autre mon visage. Puis je l’aperçois. Enfin. Pietro. Elégant. Souriant. J’ai les mains moites et le cœur qui bat jusque dans ma culotte. On s’embrasse gentiment. Tout ce qu’on s’était promis, tout ce qu’on avait projeté n’a pas lieu. « Tu me tâteras l’entrejambe quand je te rejoindrai à la gare, avait-il dit. » Ou encore « Tu me donneras ta culotte dès mon arrivée », proposition corroborée par Jo qui voulait que je l’enlève sous ses yeux, peu avant de monter dans la voiture. C’était véritablement excitant de le dire à un instant T mais je suis trop timorée. Il partage probablement ce sentiment. Et la réalité apporte son lot de déconvenues auxquelles je ne veux pas me confronter. Il est là et je vais me contenter de cela, pour le moment. La campagne ne le séduit pas franchement, tout parisien qu’il est. Parfois, je tente de lui montrer les avantages. Il acquiesce gentiment, absolument pas convaincu.

    Je songe à Jo qui m’avait demandé d’être sûre de moi, entreprenante, chaude et ouverte. Je vais le décevoir… Pietro & moi sommes deux amis, simplement. Pas d’ambigüité, pas d’allusion, pas de frôlements. A distance respectable. En ville comme à la maison. Nous prenons un verre au jardin et il parle encore. Je ne me lasse pas de l’écouter. Dans la cuisine, alors que je coupe le melon et que Pietro me narre ses exploits sportifs passés, il s’arrête subitement pour annoncer :

    « Attends, je vais quand même te galocher ». Sans demander son reste, il fond sur moi pour m’embrasser. Je suis tellement surprise qu’il finit par reculer : « Allez, embrasse-moi quoi ! Fais pas semblant ! ». A nouveau nous nous embrassons. Je me dis que Jonah ne va peut-être pas être déçu finalement. Puis tout s’arrête. C’est vraiment très étrange. Le mot galocher est le pire de tous les mots. Péjoratif. Argotique. Je ne sais pas ce que j’attendais… un peu plus de sensualité ? Davantage dérotisme ?

    Jonah nous rejoint ensuite, plaisante sur ma position équivoque à quatre pattes au sol en train de brancher le réfrigérateur. Je lui assure, légèrement pincée, que nous sommes sages depuis le début. La soirée est douce. Calme. On squatte le canapé longuement en buvant et grignotant. Les heures défilent. La bouteille de champagne s’est vidée sans difficulté et je sens déjà que l’ivresse s’estompe. Tous trois ne semblons pas savoir comment appréhender ces 48 heures ensemble. Le décor a encore changé. Les humeurs aussi. Jo me connaît. Il sent que je décroche. Je m’enfonce peu à peu dans les coussins. Lentement, je glisse vers le sommeil. Je ne suis pas une couche-tard et je dois travailler le lendemain, contrairement à eux. Mon mari annonce : « on va perdre Folie, là. » Et là, tout commence. Enfin. Sauf que je suis peut-être un peu moins qu’à 100%. On passe un très bon moment sur le canapé. C’est sensuel, c’est érotique et le plaisir est bien là. Et puis les garçons jouissent tour à tour. Grâce à moi, dans ma bouche. Quand je me redresse, plutôt fière de moi, quelque peu souillée, ils sont étendus sur les coussins, fatigués et heureux. Je sens bien que le vent tourne. Aucun d’eux ne m’a prise. Pas d’orgasme pour moi. Punie ? Il est bientôt l’heure de monter jusqu’à la chambre. Je fais mes ablutions nocturnes, je me sens bien. Un peu frustrée. Mais on a la nuit devant nous. Et puis l’idée de dormir tous les trois dans ce lit, lovés les uns contre les autres m’émoustille. Tous les trois nus, peaux à peaux, nous nous endormons, paisiblement, sans que rien ne se passe, plus sages que des frères et sœurs.

     

    9-

     

    La nuit fut affreusement courte -besoin de 8h moi!- et j’ai mal dormi. Je n’étais pas apaisée comme ils l’étaient. Je n’avais pas assez de place et il n’y avait plus rien de romantique. Insomnie entre 4h et demies et l’heure de se lever. Catastrophe. L’humeur est très moyenne lorsque je me prépare mon thé dans la cuisine sombre. Le temps semble s’être calqué à mon état global. Il fait gris et froid. Jonah me rejoint dans la cuisine. Je tente de montrer un visage enjoué. Il me perce à jour : « Tu es frustrée, hein ? Déçue aussi ? ». Je minaude, je minimise. Pietro dort encore et c’est une occasion de debriefer. « T’inquiète, ça va ». Je m’échappe au travail où penser à autre chose me sauve. Malgré la fatigue, l’énergie des enfants me porte. Ils reviennent tous de vacances, en pleine forme. De temps à autre, je me demande à quoi va ressembler le déjeuner avec mes deux hommes. J’appréhende. Quand l’heure arrive, je ne me précipite pas sur les clés de voiture. Je traine un peu. Hier j’étais lumineuse en jupe courte et décolleté sobre. Aujourd’hui, je suis morose dans mon jean et mon teeshirt vert gazon.

    A la maison, le silence règne. Je me débarrasse de mes affaires puis avance jusqu’au salon. Ils m’attendent tous les deux, là, sur le canapé qui hier encore accueillaient nos corps nus. Leur mise en scène m’arrête. Je suis perplexe. « ça va ? » Ils se marrent. Moi je n’ose pas embrasser Jo de peur de ne pas savoir quoi faire avec Pietro. Distante, je ne m’asseois pas près d’eux mais dans le fauteuil. Face à eux. Il se lance dans un discours au sujet de ma frustration, évoquée par Jonah. Je l’écoute, mal à l’aise, telle une élève qui s’est plainte d’un prof et qui doit en débattre avec lui. Immaturité quand tu nous tiens ! Il insiste pour me faire venir près d’eux, je me déplace, ôte mes chaussures et me pelotonne dans les coussins, hermétique. Julien m’apporte un verre de vin. J’apprécie le geste en me demandant cependant si avec la fatigue, je vais parvenir à travailler correctement cet après-midi. On évoque ma déception, ma frustration. J’essaie de rassurer, de justifier, j‘explique mon degré pathologique d‘exigence. C’est comme ça, je suis intraitable. Pietro s’exprime comme il sait si bien le faire, il justifie à son tour et je me demande à quel moment on a merdé pour se retrouver là. L’heure tourne. L’ambiance est malgré tout détendue. Il veut dédramatiser et tous deux se moquent gentiment de mon côté affamé.

    Ils me ressortent une phrase coupante que j’ai dite la veille, alors que je m’endormais et qu’ils bavardaient à voix haute au-dessus de mon corps nu et en éveil : « Vous pourriez parler moins fort les gars ? ». Si à ce moment-là, ils ont cru bon de se taire, aujourd’hui, ils ont tous les deux saisi le double sens de ces mots : je vous en veux, je suis frustrée alors si vous voulez parler, descendez, sinon, baisons ! Ça les fait rire à nouveau tandis que je me sens comme une môme. Prise la main dans le sac. Au fond, j’ai sacrément envie d’être aimée, baisée, fouillée, prise, secouée, pénétrée, malmenée et désirée. Tout ça à la fois. Dans un ordre défini auquel je n’ai pas encore réfléchi. Et jusqu’ici il ne s’est rien passé, alors je fais la sale môme, l’enfant gâtée que je suis. Je déjeune sur le pouce tout en justifiant ma déception qui est pourtant mineure. Ils veulent en découdre avec ce sentiment de frustration qui m’habite, culpabilisent peut-être un peu. Pour ma part, intuitive et instinctive que je suis, je n’ai pas autant réfléchi qu’eux, je n’ai pas analysé. Ce n’est que du ressenti. Si bien qu’en parler me gêne. Je me sens apaisée. Le courroux a laissé la place au bonheur d’être avec eux deux. Pietro se rapproche. Jonah est accaparé par son téléphone professionnel qui sonne sans cesse. Je me laisse embrasser et enlacer par notre libertin. C’est chaud, c’est doux et c’est exactement ce dont j’avais envie. Très vite, sa main glisse entre mes cuisses tandis que je ne cesse de songer à Jo, là, si près de nous, qui nous regarde. Est-ce cela le candaulisme, mot nouvellement entré dans notre stock lexical ? Est-il excité ? Jaloux ? Gêné ? Cela n’arrête pas Pietro. Il m’entreprend de ses doigts agiles qu’il glisse dans mon sexe déjà très humide. Je fonds littéralement de désir.

    Mais je dois prendre sur moi, me reprendre, stopper cet élan. Il est l’heure de repartir. La frustration explose. Mais à la clé, la promesse d’une belle soirée. Je me recoiffe, réajuste ma tenue puis file, en les plantant là. J’en suis la première désolée. Bonne nouvelle, mon dernier rendez-vous vient d’être annulé, me voilà libre une demi-heure plus tôt.

    La concentration est difficile à mobiliser. Malgré tout, je mène mon après-midi comme il faut. Peut-être un brin moins à l’écoute d’autant que Jo m’envoie une photo de cette étreinte avec Pietro sur le canapé. C’est une jolie photo. On n’y voit pas les visages mais… la complicité y est ainsi que l’érotisme. Je reçois un autre message, peu avant de quitter le boulot : « Tu nous manques » me dit Jo et cela me touche sincèrement. Je les imagine perdus sans moi. Sur le canapé, seuls et plein de désir. Ça me gonfle d’orgueil. Je réponds que cela est réciproque. Et puis les mots se sont fait plus crus, les messages plus explicites : « On a besoin de te voir, te sentir, te goûter ». Là, je me dis que la soirée va être différente, et je m’en réjouis intérieurement.

     

    10-

     

    Je serre le frein à main, coupe le moteur. J’ai profité de ce quartier libre pour acheter du Red Bull. Jamais je n’aurais cru être capable d’envisager ce genre de produit chimique et dangereux pour la santé -j‘ai même honte à la caisse-, et pourtant. Je le bois, tel un médicament, bien décidée à lutter contre cette fatigue provoquée par la succession de courtes nuits.

    Les garçons me font le même sketch. Assis sur le canapé. Cette fois, je dépose un baiser sur les lèvres de mon mari, puis sur les lèvres de notre libertin. C’est étrange. Amusant. Décalé. Et excitant. Combien de femmes sont rentrées chez elle aujourd’hui et ont embrassé sur la bouche deux hommes assis sur le canapé du salon ?

    A partir de cet instant, le fil des événement est continu, un peu flou ; je donnerais beaucoup pour le suivre à nouveau. Je ne sais plus à quel moment tout à commencé, les choses se faisant maintenant très naturellement. Je me rappelle avoir été l’objet de tous les plaisirs, au centre de toutes les attentions. Ils se rattrapent, c’est évident et très réussi. Le canapé reste notre terrain de jeux favori. J’aime cette façon qu’ils ont de me regarder, de m’envisager, de m’embrasser. C’est très érotique et fluide. Nous sommes en osmose. Pendant nos ébats, tandis que Jonah me caresse, Pietro provoque une éjaculation chez moi qui me vaudra une bonne séance de nettoyage le lendemain -pas très fière la mère de famille agenouillée sur son tapis en train de laver les traces de la veille-. Il y prend un plaisir fou et cela va m’arriver deux ou trois fois. C’est un abandon total que de me laisser couler sur ses doigts. J’avais lu des articles sur des blogs à ce sujet, car un peu dépassée par ce qui m’arrivait et tentée de réitérer. Les femmes étaient unanimes, il fallait réellement lâcher prise. Apparemment, les garçons ont réussi à me faire oublier le reste du monde…

    Jonah n’a pas dit son dernier mot, de ses doigts magiques qui me connaissent si bien, il me fait vivre un orgasme de folie, totalement inédit. Extrêmement difficile à décrire. Un voyage. L’embrasement de tous mes sens. Le fait d’être très exactement entre deux hommes y est certainement pour quelque chose. Profitant d’une accalmie, je m’éclipse aux toilettes, la vessie malmenée prête à exploser. Mes jambes flageolent. C’est la première fois qu’une baise me fait cet effet. Il faut dire que nous y sommes depuis 17h30... Il est 20h et personne n’a failli. Je me tiens à la rampe, un sourire béat sur les lèvres, comme ivre. C’est l’heure de la pause. Elle est bienvenue. Le Red Bull me permets d’être bien réveillée, pas de bénéficier d’une endurance d’athlète. Quand je redescends, peu de choses ont bougé. Ils me surveillent, l’œil gourmand. Là, je me dis que la soirée est loin d’être terminée. J’évoque l’éventualité d’un dîner mais Pietro se veut détendu, en mode Carpe Diem. Se nourrir ne semble pas au centre des esprits. Jonah me tend la main amoureusement alors, je les rejoins, en me mordillant la lèvre. Que va-t-il m’arriver maintenant ? Ils m’entreprennent, tous les deux. Je deviens, comme je l’avais fantasmé, leur objet. Fantasme étrange au vu de mon caractère insoumis… Ils font de moi ce qu’ils veulent et se mettent d’accord, verbalement pour « bien me baiser ». C’est inouï ce sentiment d’être vivante, comblée, d’être devenue un objet de plaisir, sans aucune limite, sans vergogne. Je suis un corps nu, offert, à leur merci. Ils me veulent, ils m’ont. Pietro se positionne derrière moi et place son sexe dressé à l’entrée de mon anus. Je sais ce qui va m’arriver mais je n’ai pas d’appréhension. Je suis tout simplement bien, en confiance. Des hanches, je lui fais comprendre que je le veux. Son entrée se passe divinement bien. Il faut dire que pour combler mon excitation et incarner l’objet que je suis devenu, Jonah me baise la bouche de sa queue qui ne faiblira pas une seule fois. Il est fasciné par cette position et dans sa voix, dans ses mots murmurés à mon oreille, je comprends la fierté, l’excitation, l’admiration. Tout cela me donne des ailes. Je dois parfois supplier Pietro de ralentir, je suis malmenée, mon maquillage a coulé, souillant mon visage pourtant souriant. Cette image, Jonah m’en parlera souvent par la suite. Pietro ne se laisse pas faire, malgré mes jérémiades qui lui demandent de stopper, sans trop de conviction. Ils ont appris tous deux à lire entre les lignes, c’est un non qui n’en est pas vraiment un. La frontière entre le plaisir et la douleur est infime, et si je dis stop, c’est davantage pour limiter les dégâts ensuite que par réelle douleur. Dans cette pratique interdite dans certains états des USA, se détendre, voire s’abandonner sont des vecteurs de plaisir. Plus je me détends et plus je prends du plaisir. Et là, je prends cher. Cela m’amuse un peu, car je songe aux vidéos sur le net dans lesquelles les filles sont malmenées comme moi, le visage souillé et le maquillage esquinté. M’y voilà. Notre scène n’a rien à envier aux pornos. Mais il y a la magie, même si elle est un peu égratignée par le côté indécent, seulement, c’est cette indécence qui me fait me sentir reine, belle, désirable et qui me donne la sensation de m’envoler. Magique.

    Je me sens épuisée mais n’ai pas vraiment envie que ça s’arrête, cette jolie soirée à éjaculation et orgasmes multiples. Pietro semble bien décidé à baiser encore et encore, même si Julien et moi donnons des signes de fatigue. Ils n’ont pas joui. Dès lors, mon objectif sera de les mener à la jouissance. J’y arrive assez bien, de ma bouche adroite et la vue de mes deux amants vidés par un orgasme dense gonfle mon égo. Quand je m’échappe de l’antre, ils me toisent, perçoivent ma fierté et ma charrient volontiers. Rien ne peut m’atteindre, j’ai atteint le nirvana. Je souris aux murs, comme une illuminée qui vient d’avoir une apparition. Les endorphines doivent faire leur travail dans mon métabolisme et je n’ai mal nulle part, malgré le chahut subi durant des heures. Seul le froid de la nuit qui tombe me force à porter quelque chose, car nous sommes bien nus. On grignote, on plaisante, on débriefe un peu. C’est bon enfant. Avec une pointe de morosité. C’est terminé. Seule une nuit à trois me console. Ce sera une nuit calme. Douce. Réparatrice. Faite de petits câlins et de longues caresses.

    Au petit matin, chacun se terre dans son silence. Des banalités sont échangées. La magie s’est envolée. Reste l’amitié, la connivence et les projets à venir, qui sont dans tous les esprits. J’ai du temps, mais malgré cela, tout sera soft, même les aux revoir. On se promet une date. On s’assure de garder le contact. Allez, on retourne à la vraie vie.

     

     


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  • Ma Journée en Nudes ...

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